domingo, 22 de noviembre de 2015

PAS PLEURER

PAS PLEURER

LYDIE SALVAYRE


Durant l’été 1936, quand éclate la guerre civile espagnole, alors qu’il est à Majorque, l'écrivain Georges Bernanos, catholique, monarchiste, compagnon de Maurras, est révulsé par les atrocités de la nuit franquiste, qui lui inspirerontLes Grands Cimetières sous la lune (1938). Pendant ce même été, Montse, la mère de la narratrice, a 15 ans et vit à Barcelone l’émerveillement d’une révolution libertaire, elle, la « mauvaise pauvre », naguère montrée du doigt par les notables de son village catalan. Soixante-quinze ans plus tard, Montse raconte cette époque à sa fille, la narratrice, autour d’une anisette.
Lydie Salvayre passe de l’un à l’autre, fait le lien. D’un même mouvement, elle se laisse ventriloquer par la prose envoûtante de Bernanos, dont les admirateurs reconnaîtront ici plus que les accents, et s’abandonne aussi à la langue de sa propre mère, mélange si singulier de français et d’espagnol. Entre ces deux paroles d’exilés qu’à l’origine tout semble opposer, le sexe, la classe, les idées, Lydie Salvayre crée une solidarité ­vitale. Pour cela, elle s’en remet à cet esprit d’insou­mission que Bernanos nommait l’« esprit d’enfance ». Avec sensibilité et insolence, elle proclame magnifiquement sa fidélité au langage de la jeunesse. Et démontre que cette langue, qui n’a rien à voir avec l’âge, relève d’abord de l’obstination, de ­l’héroïsme et de la grâce.